LinkedIn : Comment les patrons du BEL 20 s’en sortent-ils ? (étude)

(english version)

Faut-il s’inspirer des patrons du BEL 20 sur LinkedIn ? Ont-ils optimisé leurs profils ? Publient-ils du contenu pertinent ? Interagissent-ils ? Sont-ils influents ? Voici les conclusions de mon étude sur leur usage du principal réseau social professionnel…

Fort de ses 822 millions de membres, dont 3,98 millions en Belgique, LinkedIn est Ze réseau social professionnel. Du haut de ses 19 ans, la filiale de Microsoft, qui vient d’enchaîner 9 trimestres « records », est considérée comme la plateforme la plus influente en B2B. Par les pros du marketing, des sales et des RH.

Empreintes LinkedIn limitées

Pourtant, d’après l’étude que je viens de mener* et qui a fait l’objet d’un dossier dans L’Écho, dans l’ensemble, les patrons du BEL 20 semblent bouder LinkedIn. Ces 19 hommes et cette femme qui dirigent les sociétés cotées sur Euronext Bruxelles dont les capitalisations boursières sont les plus importantes ne maîtrisent pas du tout la plateforme, aussi importante soit-elle devenue.

Jef Colruyt, Ian Galienne (GBL) et Johan Thijs (KBC) n’y sont pas. Et les 17 autres, dont 4 ont souscrit à un abonnement, décrochent en moyenne la note de 4,6/10 pour l’optimisation de leurs profils et de 5,3/10 pour la qualité de leurs publications. J’y reviendrai en détails un peu plus loin…

Pourquoi les patrons du BEL 20 devraient-ils utiliser LinkedIn

Visibles et crédibles, ces 20 top managers pourraient d’abord contribuer à l’e-réputation de leurs entreprises cotées dans une optique de « marque employeur ». En montrant l’exemple à leurs collaborateurs/trices. En les valorisant, surtout, ce qui contribuerait à les fidéliser… et à attirer de nouveaux talents, en ces temps de « pénurie RH » et de « grande démission ». 

Seuls ou accompagnés d’un.e ghostwriter dans la production et la diffusion régulière de contenus engageants, ils pourraient aussi soutenir les efforts de marketing et de ventes des sociétés qu’ils dirigent. Les profils personnels génèrent d’ailleurs plus de visibilité sur LinkedIn que les pages entreprises. Logique. Personne ne veut discuter avec un logo. Mais avec un.e CEO…

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Pour renforcer la confiance, les patrons du BEL 20 pourraient également  se tourner vers l’extérieur, comme de super porte-paroles. Incarner les missions de « leurs » entreprises, ses valeurs, dont la fameuse transparence. Suivre leurs prospects aussi. Remercier leurs clients. Mettre en lumière leurs parties prenantes. Réagir avec valeur ajoutée sous leurs posts. Voire tenter d’influencer des journalistes, des politiques ou des lobbyistes. 

Bref, les patrons du BEL 20 pourraient renforcer l’image globale de leur entreprise tout en démontrant leur expertise… Mais non ! Sur LinkedIn, globalement, et si on exclut l’activité éventuelle de leurs messageries privées, que je n’ai évidemment pas pu analyser, l’ambition des patrons du BEL 20 est faible. Ridiculement faible. Le concept de « Leader advocacy », variant V.I.P. de l’ « employee advocacy », leur semble inconnu. En tout cas, avec eux, il sonne creux !

Fondations incomplètes

Et le problème est perceptible à la base. Autrement dit : leurs profils, fondations de leurs empreintes sur LinkedIn, vers lesquelles pointent les moteurs de recherche, les publications, les commentaires et les messages privés, sont trop rarement optimisés. Ou mal optimisés.

Pas un profil parmi ceux que j’ai analysés n’est complet. Et je ne parle même pas des sections et fonctionnalités « gadgets » (segment audio, vidéo de profil…). Ni des toutes dernières nouveautés, comme la possibilité d’ajouter un lien cliquable sous son titre, dans le premier bloc de son profil.

Le profil de Guillaume Boutin (Proximus) est l’un des mieux optimisés, avec celui d’Ilham Kadri (Solvay) et de Stefaan Gielens (Aedifica)

10 critères

Parmi les 17 profils analysés, le constat est sévère :

  • 3 n’ont pas de photo de profil, strict minimum pour inspirer confiance et être pris.e au sérieux par LinkedIn
  • 9 n’ont pas de bannière (couverture), alors que l’entreprise pourrait y être facilement valorisée
  • 14 n’ont pas optimisé leur titre de profil pour être mieux référencés
  • 12 n’ont pas mis en avant le bouton « suivre », à la place du bouton par défaut « se connecter », pour doper la croissance de leur audience
  • 13 n’ont pas personnalisé leur URL
  • 1 n’a pas associé son profil à la page de son entreprise
  • 7 n’ont pas activé la section « à propos », ce champ textuel qui peut pousser ses cibles à l’action et qui pèse lourd dans l’algorithme de LinkedIn, et ceux qui l’ont activée parlent parfois d’eux à la 3ème personne, comme Alain Delon
  • 14 n’ont épinglé aucun contenu (lien vers le site, post, PDF, images…) dans la partie « Sélection de contenus »
  • 15 n’ont pas décrit du tout leur expérience en cours (ni les précédentes d’ailleurs)
  • 2 n’ont pas ajouté de compétences à leurs profils, alors qu’aucune ne leur était attribuée par leurs relations

Des prises de parole « promos » et « top-down » 

Vous avez dit « pas fameux fameux » ? Les activités des patrons du BEL 20 sur LinkedIn, c’est-à-dire l’ensemble de leurs réactions, de leurs commentaires, de leurs partages et de leurs posts, sont à peu près du même niveau :

  • 8 sur 17 ont commenté un post au cours du dernier mois, dans la toute grosse majorité des cas sans la moindre valeur ajoutée, avec un simple « Bravo ! », « Super » ou « Proficiaaat », alors que LinkedIn offre une énorme visibilité aux commentaires riches depuis quelques mois
Michel Doukeris (Anheuser-Bush InBev), l’un des seuls patrons du BEL 20 à avoir compris que LinkedIn est un réseau… social
  • 9 sur 17 ont publié au moins une fois au cours des 30 derniers jours (11 au cours des 90 derniers), la plupart du temps de façon inconsistante, alors que LinkedIn favorise la régularité, dans des timings peu favorables. Et quasi exclusivement pour promotionner leur entreprise, leurs résultats, leurs offres d’emploi; très rarement pour démontrer leur expertise au travers de contenus informatifs, utiles ou inspirants pour leurs cibles

Fond et forme limités

L’absence quasi généralisée d’appels à action dans les posts, en particulier d’appels à commentaires, par le biais de questions ouvertes par exemple, est également révélateur. Les 9 patrons du BEL 20 qui publient du contenu utilisent encore LinkedIn comme un canal de communication à l’ancienne, en mode « top-down ». Et non pas comme un réseau… social, dont les contenus permettent de générer des conversations, elles-mêmes génératrices de visibilité.

Résultat ? Sur un réseau social pourtant peu risqué, voire carrément « bisounours », cette double attitude (ligne éditoriale trop promotionnelle + absence d’interactions) flingue le taux d’engagement des rares publications des patrons du BEL 20. Et ce faisant leur visibilité, celle de leur profil et, in fine, celle de leur entreprise. 

D’autant que sur la forme, les managers ont aussi de sérieuses marges de progression. Si copier-coller un lien vers un site internet ou simplement partager une publication fonctionnaient sur LinkedIn, cela se saurait… 

Ilham Kadri (Solvay), reine du BEL 20 sur LinkedIn

Bien sûr, parmi les 17 profils LinkedIn scrutés sous toutes les coutures pour cette étude, il y a des exceptions. Au premier rang desquels, Ilham Kadri. 

La patronne de Solvay, seule femme à la tête d’une entreprise du BEL20, peut se vanter de présenter le profil LinkedIn le mieux optimisé du BEL 20. Et ses contenus sont les plus qualitatifs, tant sur le fond que sur la forme. Au total, sa moyenne est de 15,5/20

Sur le podium LinkedIn du BEL 20, Ilham Kadri est suivie par Guillaume Boutin (14,5/20), le patron de Proximus, et par Michel Doukeris (AB InBev), qui atteint le score de 13/20.

Plus de 100.000 followers

Mais ce n’est pas tout. Ilham Kadri, qui publie en moyenne tous les 13 jours ces derniers mois, est également en tête du comparatif du nombre de followers. Le 1er mai dernier, 102.383 personnes suivaient son profil, alors que la moyenne des 16 autres profils se situait à 4.701 abonné.e.s.

Il faut dire que LinkedIn, qui a repéré ses posts plus ou moins inspirants en matière de diversité, de durabilité ou d’environnement, l’a promue influenceuse officielle, aux côtés de Richard Branson et Bill Gates entre autres. Cette distinction, réservée à quelques 500 profils à travers le monde, offre un petit logo « in » bleu à côté de votre nom… et une forte visibilité supplémentaire de votre profil, par exemple dans les recommandations de suivi de la plateforme. 

2200 USD par post

Ilham Kadri influenceuse ? D’après l’outil Linkalyze, qui tient compte d’une multitude de critères (nombre de followers, taux d’engagement, régularité des posts…), chacun des posts de la « social CEO » Ilham Kadri vaut 2199 USD en tout cas, en moyenne. Ceux de Michel Doukeris pèseraient 1496 USD pièce. Et ceux de de Guillaume Boutin quelque 544 USD.

« LinkedIn fait partie des outils de communication modernes pour atteindre nos employés, nos clients, nos fournisseurs, nos partenaires, nos investisseurs et nos communautés. Il nous permet de sensibiliser un large réseau de personnes sur de nombreux thèmes qui nous tiennent à cœur, a expliqué la CEO de Solvay à L’Echo, dans le dossier consacré à mon étude. Je pense que c’est un élément essentiel de notre image de marque et de nos efforts de recrutement. »

Xavier Degraux portrait

Xavier Degraux

Ancien journaliste économique et financier, je suis formateur et consultant en marketing digital et réseaux sociaux depuis une douzaine d’années. J’accompagne  des institutions, des entreprises et des marques dans leur développement numérique. En particulier sur les réseaux sociaux, LinkedIn et Instagram en tête.

BONUS :

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*MÉTHODOLOGIE DE CETTE ÉTUDE

J’ai mené cette étude seul, la première semaine de mai 2022, en visitant systématiquement, comme une simple relation de 2ème niveau (sans relation commune ou groupe commun avec les patrons du BEL 20), les profils LinkedIn des patrons du BEL 20, ainsi que leurs activités publiques sur le réseau social (likes, commentaires, partages, publications). 

Pour calculer le score de leurs profils, j’ai attribué 0 ou 1 point pour l’absence ou la présence de chacun des 10 éléments suivants : photo de profil, bannière, titre optimisé, bouton suivre en avant, URL personnalisée, lien vers la page entreprise, résumé/à propos activé, champ « Sélection de contenus », expérience en cours décrite et présence de compétences (choisies ou sélectionnées par les relations).

Pour calculer le score de qualité des contenus publiés, j’ai lu l’ensemble des posts publiés au cours des 3 derniers mois et j’ai attribué à chaque personne une note sur le fond (diversité des sujets et des cibles, valeur ajoutée, appel à l’action…) et une note sur la forme (formats de contenus, usage des @ et des #, longueur…), avant d’en établir la moyenne.Enfin, j’ai utilisé l’outil Linkalyze pour générer les statistiques d’influence : le taux d’engagement, le rating (sur une échelle de A à E, la note la plus élevée étant le A) et la valeur économique moyenne d’un post, exprimée en USD.

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