Google (Alphabet) et Facebook, qui se partagent l’essentiel du marché de la publicité en ligne, ont tous deux des filiales en Belgique… qui viennent de publier leurs résultats financiers pour l’exercice fiscal 2018 !
Gare aux interprétations hâtives ! Les résultats financiers qui suivent, ceux des filiales belges de Google et Facebook, sont bel et bien des résultats financiers déclarés, et non pas des résultats financiers réels, les deux concurrents étant également créatifs quand il s’agit d’optimisation fiscale… N’en déplaise au SPF Finances et à toutes les personnes qui crient à l’injustice fiscale.
Google Belgique en recul !
Commençons par la plus importante des deux régies publicitaires en ligne : Google (Alphabet), qui pour rappel a enregistré un bénéfice net de 30,7 milliards de dollars en 2018, sur un chiffre d’affaires de 136,8 milliards de dollars (+ 23%).
Alors, en Belgique, comment se portent les activités du leader des moteurs de recherche et de la publicité en ligne ? D’après les comptes déposés par la filiale de Google, elles sont en net recul ! L’an dernier, le bénéfice net de Google Belgique a régressé de plus de 51%, pour atteindre 2,73 millions d’euros, et son chiffre d’affaires a fondu de 6,7%, pour s’établir à 35,49 millions d’euros.
Sauf que ces résultats financiers ne veulent pas dire grand chose… Dans le marché, le chiffre d’affaires belge « réel » de Google est souvent évalué à plus de 250 millions d’euros, ce qui signifierait que les revenus réels de la filiale sont au moins 7 fois supérieurs à ceux déclarés, la plupart des ventes « belges » de Google étant en réalité facturées depuis l’Irlande, où Google a établi son siège (fiscal) européen, à l’instar de la plupart des géants du web, qui rémunèrent ensuite leurs différentes filiales européennes pour les services rendus au niveau local.
Facebook Belgique a modifié son périmètre d’activités
De son côté, Facebook Belgique, qui occupait 18 personnes fin 2018 (contre 57 côté Google), a enregistré l’an dernier un bénéfice net de 0,95 million d’euros, contre 0,28 million en 2017 (+229%), sur un chiffre d’affaires de 5,75 millions d’euros (+73%).
Ces résultats financiers en forte hausse déclarés au niveau belge sont, comme pour Google, loin de la réalité… Mais ils tendent légèrement à s’en approcher. C’est que la filiale belge de Facebook, dont l’activité principale consiste également à fournir au groupe « des services de soutien aux ventes et aux services de marketing », a modifié son périmètre d’activités en cours d’exercice fiscal. Depuis le 1er juillet 2018, « la fonction de la société a été élargie pour inclure le rôle de revendeur de services de publicités vis-à-vis des clients belges désignés », nous apprend le rapport de gestion de la filiale, sans préciser pour autant ce que signifie le terme « clients belges désignés ».
Impôts toujours ridicules
Les résultats financiers extrêmement limités que Google et Facebook déclarent en Belgique impliquent évidemment une imposition tout aussi limitée de leurs filiales noires-jaunes-rouges. Et c’est bien là tout l’intérêt de la manoeuvre…
Ainsi, malgré un taux d’imposition quasi 3 fois supérieur à celui pratiqué en Irlande (12%), Google Belgique va à peine verser 1,64 million d’euros à titre d’impôts pour 2018, contre 3 millions d’euros pour l’exercice 2017 (-45%). Et l’impôt de Facebook Belgique, lui, va s’élever à un tout aussi ridicule 0,54 million d’euros pour l’exercice, contre 0,17 million en 2017.
Vers une « taxe GAFA » en Belgique ?
Pour rappel, avant la chute du gouvernement Michel, un débat parlementaire avait eu lieu en Belgique autour de la création d’une éventuelle « taxe GAFA ». L’idée était de prélever 3%… de leurs activités réelles sur le marché belge, et non plus de taxer les bénéfices déclarés au niveau local. Mais les négociations politiques ont vite échoué.
De son côté, alors que l’Union bute sur ce dossier fiscal et que l’OCDE traîne à s’en emparer, la France a été un pas plus loin que la Belgique. Le Sénat français a bel et bien voté une « taxe GAFA » début juillet. Google et Facebook n’y ont pas (encore ?) réagi officiellement. Amazon, bien. Dans la foulée du vote, le géant du e-commerce a directement répercuté cette taxe de 3% sur les tarifs des services qui sont proposés aux entreprises françaises utilisant sa plateforme de vente…
Xavier Degraux