Le full DSA est enfin là : vers la fin du cyberharcèlement, de la désinformation, des contenus haineux, illicites… ?

La version élargie du DSA est entrée en vigueur ce samedi 17 février 2024. Les Belges, les Français, les Luxembourgeois et les autres Européens sont désormais mieux protégés sur (quasi) toutes les plateformes numériques. Plus seulement celles des seuls géants du web. Mais entre la théorie et la pratique…

Cyberharcèlement, discours haineux (racistes, sexistes, homophobes…), désinformation, publicité ciblant les mineurs, discrimination, pédopornographie et autres contenus illicites vont-ils enfin reculer en ligne ?

En tout cas, le Digital Services Act (DSA), le règlement européen qui doit permettre de lutter contre ces fléaux, s’applique enfin, depuis ce samedi 17 février 2024, à (quasi) toutes les plateformes numériques actives en Europe. Y compris les fournisseurs d’accès à Internet, les marketplaces, les sociétés qui offrent des services de cloud, les réseaux sociaux, les plateformes de voyage et d’hébergement en ligne, etc.

Donc plus uniquement celles des 22 géants du web et des réseaux sociaux qui séduisent plus de 45 millions d’utilisateurs européens chaque mois.

Lasagne

Voilà pour la théorie. En pratique, le système européen de « régulation systémique » de l’Internet, qui s’articule autour du Comité européen des services numériques (EBDS), présidé par la Commission européenne et assisté – pour chacun des vingt-sept Etats membres – d’un Coordinateur pour les services numériques (DSC), ne semble pas encore au point, comme l’indique Politico.

À quatre mois des élections, il y aurait du rififi au sein de l’Union. Et tous les « Digital Services Coordinators » (DSC) nationaux ne seraient pas encore désignés par les Etats membres. J’en compte 16 sur 27 sur le site dédié de la Commission. Dont le Luxembourg, qui a confié la mission à son Autorité de la concurrence.

En France, c’est l’Arcom qui est l’autorité nationale indépendante pressentie pour veiller au respect du DSA. Mais un vote doit encore intervenir, a priori en mars.

En Belgique, comme souvent, c’est un peu plus complexe.

Comme je l’ai indiqué à Trends Canal Z, c’est l’Institut belge des services postaux et des télécoms (BIPT – IBPT) qui vient d’être désigné, à l’issue d’une réunion intergouvernementale, « coordinateur des services numériques » (DSC)… Sur papier, parce que la Commission exigeait un seul interlocuteur par pays.

Il faudra formaliser la décision politique… à plusieurs étages. C’est que, dans les faits, ce sont les trois régulateurs des médias des 3 Communautés qui seront en première ligne. Donc, du côté francophone, le CSA – Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Et libre à ces 3 opérateurs de se tourner à leur tour, en fonction des dossiers, vers des institutions plus spécialisées, comme l’Autorité de protection des données par exemple.

J’ignore à ce stade si les compétences supplémentaires de ces institutions riment avec moyens supplémentaires. Et, si oui, dans quelles proportions. Et selon quels agendas.

Le rôle crucial des coordinateurs nationaux (DSC)

Le boulot des coordinateurs nationaux des services numériques (DSC), qui formeront par ailleurs un groupe consultatif indépendant avec la Commission, ne manque pas…

Le DSA, dont la première vague remonte au 25 août dernier, contraint à présent toutes les plateformes au-delà de 10 Mio EUR de revenus annuels et de 50 salariés à : 

  • mettre en place un système de signalement et de traitement des contenus illicites, y compris les biens et services
  • coopérer avec les autorités judiciaires
  • traiter en priorité les signalements des organisations reconnues pour leur compétence et leur expertise, appelées « signaleurs de confiance » (Police, Unia…)
  • suspendre les comptes publiant des contenus illicites
  • interdire le ciblage publicitaire sur les mineurs ou à partir de données sensibles (politiques, religieuses, genre…)
  • protéger les utilisateurs en leur fournissant des informations sur les publicités qu’ils voient, telles que les raisons pour lesquelles les publicités leur sont présentées et qui a payé pour la publicité
  • fournir des déclarations de motifs à un utilisateur affecté par toute décision de modération de contenu, par exemple, la suppression de contenu, la suspension de compte, etc. et télécharger la déclaration de motifs dans la base de données de transparence du DSA
  • fournir aux utilisateurs un mécanisme de plainte pour contester les décisions de modération de contenu
  • publier un rapport de leurs procédures de modération de contenu au moins une fois par an
  • fournir à l’utilisateur des conditions générales claires, et inclure les principaux paramètres sur lesquels leurs systèmes de recommandation de contenu fonctionnent
  • désigner un point de contact pour les autorités, ainsi que pour les utilisateurs
  • analyser les risques liés à leurs services en matière de contenus illégaux, d’atteinte à la vie privée ou à la liberté d’expression, de santé ou de sécurité et mettre en place les moyens pour les atténuer

En pratique, et je cite ici le communiqué de presse de la Commission européenne sur le sujet, les coordinateurs des services numériques :

  • Seront le premier point de contact pour les plaintes des utilisateurs concernant les infractions au DSA commises par n’importe quelle plateforme, y compris les VLOPs et les VLOSEs (ndla : les 22 géants du web). Le coordinateur des services numériques transmettra, le cas échéant, la plainte au coordinateur des services numériques de l’État membre d’établissement de la plateforme, le cas échéant, accompagnée d’un avis.
  • Certifieront les mécanismes existants de recours extrajudiciaire pour permettre aux utilisateurs de formuler des plaintes et de contester les décisions de modération de contenu.
  • Évalueront et accorderont le statut de signaleurs de confiance aux candidats appropriés, ou aux entités indépendantes ayant démontré leur expertise dans la détection, l’identification et la notification de contenu illégal en ligne.
  • Traiteront les demandes des chercheurs pour accéder aux données des VLOPs et des VLOSEs à des fins de recherche spécifique. Les DSCs valideront les chercheurs et demanderont l’accès aux données en leur nom.
  • Seront équipés de pouvoirs d’enquête et de mise en œuvre solides, pour assurer le respect du DSA par les fournisseurs établis sur leur territoire. Ils pourront ordonner des inspections suite à une infraction présumée au DSA, imposer des amendes aux plateformes en ligne ne respectant pas le DSA, et prendre des mesures provisoires en cas de préjudice grave à la sphère publique.

Jusqu’à 6% des revenus mondiaux

En cas d’infraction, la Commission européenne pourra infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise concernée.

Pour faire cesser une infraction, une astreinte pouvant atteindre 5% du chiffre d’affaires quotidien pourra être infligée.

Et en cas de manquements répétés, l’amende pourra également être complétée par une mesure temporaire de restriction de l’accès au service.

Xavier Degraux

Auteur

Xavier DegrauX

Depuis près de 15 ans ans, je conseille et forme les pros du marketing, de la communication, des ressources humaines et de la vente au marketing digital et aux réseaux sociaux (Instagram, LinkedIn, Threads…). En français et en anglais. En distanciel et en présentiel. En France, en Belgique, au Luxembourg…

Ancien journaliste économique, je continue à privilégier les approches éditoriales et conversationnelles.

Je partage mes propres contenus et ma veille sectorielle
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