
J’ai épluché les comptes financiers que la filiale belge de Meta vient de déposer à la Banque Nationale de Belgique. L’optimisation fiscale pratiquée par le groupe de Mark Zuckerberg lui a une fois de plus permis de minimiser son bénéfice avant impôts. Explications.
En Belgique, Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp, Threads, Meta IA…) va payer 1.899.985 EUR à titre d’impôts pour l’exercice fiscal 2024, sur des revenus de 109.575.281 EUR.
C’est ce que révèle le bilan comptable de la Srl Facebook Belgium, le véhicule de Meta en Belgique. Des comptes annuels officiels audités par EY qui viennent d’être déposés auprès de la Banque nationale de Belgique (BNB)… et que j’ai épluchés.
Certes, comme on peut le calculer au départ de ce tableau, cette imposition de moins de 2 millions EUR traduit une hausse de 56,8% sur un an, alors que les ventes et prestations de la société belge n’ont progressé que de 3,9% dans le même temps.

Mais en chiffres absolus, ce montant reste absolument dérisoire au vu de l’activité économique réelle de la filiale belge.
Revenus limités
Il faut dire que, près de huit ans après avoir promis qu’il allait « payer plus d’impôts localement« , le groupe de Mark Zuckerberg continue de limiter le périmètre d’activités officiel de ses filiales et de faire peser sur leurs comptes de lourdes charges, destinées à réduire son impôt sur les bénéfices.
« Les activités principales de la société en 2024 étaient de fournir des services d’aide à
la vente, de marketing et d’assistance technique en ingénierie au groupe Meta ainsi
qu’agir comme revendeur de services de publicité pour des clients belges désignés », précise d’ailleurs la société belge, qui est active sur le marché belge depuis 13 ans.
Opérations intra-groupe
Ainsi, sur le total des ventes et prestations affichées par Facebook Belgium pour 2024, 102.670.354 EUR, soit 93,7% des revenus officiels de la filiale, sont passés comme « coûts des ventes et des prestations », via des opérations de refacturation intra-groupe, sans doute menées depuis l’Irlande, hub international du groupe.
Comme il est possible de le constater dans le tableau suivant, ces « coûts » sont essentiellement liés à des « services et biens divers » (88,6 millions, reversés au groupe) et, à la marge, aux frais du personnel affecté au marché belge (rémunérations, charges sociales et pensions), soit 39 personnes à fin décembre dernier, contre 42 un an plus tôt.

Une marge d’à peine 6,5%
Résultat de l’opération : avant impôts, le bénéfice officiel de la filiale belge de Meta a atteint 7.083.865 EUR (+72,5%). Soit une marge opérationnelle d’à peine 6,5%, alors que celle du groupe s’est élevée à 38% sur la même période.
Et au final, une fois les impôts déduits, la société belge a enregistré un bénéfice net de 5.183.880 EUR en 2024, en hausse de 79,1% par rapport à l’exercice précédent.
Pour rappel, au niveau mondial, le bénéfice net de Meta s’est élevé à 62,4 milliards USD (+ 60%) et ses revenus à 164,5 milliards USD (+22%). Alors que son taux d’imposition réel a continué à baisser, lui, trimestre après trimestre…

19 fois plus
D’après mes estimations, basées sur un total de 8 millions d’utilisateurs de Meta en Belgique (sur un total de 3,43 milliards dans le monde) et sur un revenu de 11,2 EUR par trimestre et par utilisateur (moyenne mondiale au 1er trimestre de 2025), le chiffre d’affaires réel de la filiale belge aurait pu s’élever non pas à 109, mais à 358,4 millions EUR.
Avec une marge opérationnelle « standard » de 38%, le bénéfice avant impôts aurait pu atteindre 136,2 millions EUR, soit 19 fois le montant imposable repris dans la déclaration de la filiale.
« Cash pooling intragroupe »
Ce grand écart entre résultats annoncés et réalité belge, questionnable à plus d’un titre, va-t-il encore durer longtemps ? Impossible à prédire…
À ma connaissance, et contrairement à la France par exemple, la Belgique n’a jamais redressé fiscalement la filiale de Meta. Et rien n’indique que le gouvernement De Wever « tente le coup ».
De l’autre côté, Meta va-t-il changer ses pratiques (pas forcément illicites) ? Pas sûr non plus. Et encore moins depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, à qui le groupe de Mark Zuckerberg a prêté allégeance.
L’optimisation fiscale de Meta pourrait même prendre une nouvelle envergure en Belgique…

Dans le rapport de gestion des administrateurs qui accompagne le bilan 2024 de la filiale, Facebook Belgium indique clairement que « depuis janvier 2025, la Société participe à un programme de cash pooling intragroupe (Ndla : centralisation de la trésorerie) impliquant le transfert de liquidités et/ou de découverts bancaires avec une autre entité du groupe agissant en qualité d’entité centralisatrice ».