Chaque année à pareille époque, Mark Zuckerberg publie ses bonnes résolutions sur le réseau social qu’il a co-fondé, possède et dirige. Pour 2020, voici ce que l’homme fort de Facebook devrait s’engager à mettre en place.
Il y a 12 mois, il voulait mieux comprendre l’impact des technologies du futur sur la société. En 2018, son but était « simplement » de réparer Facebook. Un an plus tôt, il comptait visiter tous les États américains. Avant tout cela, il souhaitait construire un système d’intelligence artificielle, remercier une personne par jour, se remettre à coder, devenir végétarien, apprendre le mandarin...
Et début janvier 2020 ? Quel défi se lancera Mark Zuckerberg ? Quelles seront les bonnes résolutions du co-fondateur, actionnaire majoritaire et dirigeant de Facebook ?
Comme il n’en a pas tenues beaucoup jusqu’ici et qu’il semble cruellement manquer d’inspiration, je me suis dit que je pouvais lui en souffler 5, ambitieuses mais clairement à sa portée.
1. Arrêter d’écouter et d’exploiter les discussions privées
À ma connaissance, personne n’a encore pu le prouver scientifiquement. Mais combien sommes-nous à avoir déjà constaté des « coïncidences » entre sujets de discussions privées et publicités ciblées sur Facebook dans la foulée ?
Techniquement, ces écoutes sont possibles. Facebook l'a d’ailleurs reconnu : il écoute de manière aléatoire certaines conversations d'utilisateurs… mais pour améliorer son service, jamais ô grand jamais il ne le ferait pour recibler commercialement ses 2,4 milliards d’utilisateurs actifs (dont 7 millions de Belges).
Hum hum… Ce ne serait pas la première fois que « Facebook » et « mensonges » seraient associés. Ni la première fois que le géant violerait la législation, à commencer par la récente GDPR européenne. Ni même la première fois que Zuckerberg serait amené à s’excuser. Sans conséquences réelles, une fois de plus ?
2. Lutter plus efficacement contre le cyber-harcèlement
Facebook n’est pas le seul réseau social qui doit lutter contre le cyber-harcèlement. Mais c’est sans aucun doute le plus inefficace des réseaux sociaux et le plus rétif à en faire davantage. Or, pour se refaire une virginité sur le terrain de la vie privée, le groupe dirigé par Mark Zuckerberg devrait agir beaucoup plus efficacement contre ce fléau polymorphe (insultes, discours haineux, trolling, intimidation et menaces, imposture, doxing, revenge porn, harcèlement sexuel, hacking…).
Les ressources et les procédures spécifiques actuelles de Facebook ne suffisent pas. D’autant que les haters et les trolls se « professionnalisent ». Et que le prochain grand virage des réseaux sociaux est entrepris. Attention, ladies and gentlemen, le Zuck veut « enrichir » ses messageries privées (Messenger, WhatsApp, Instagram…), les « unifier » et les « crypter de bout en bout ». Autrement dit : seuls l’émetteur et le récepteur pourraient voir le message. Et encore, uniquement sur certains terminaux, pour une période prédéterminée.
Finito le (peu de) contrôle social. Finito la coûteuse modération manuelle de Facebook, incohérente et inadaptée à la taille du réseau de toute façon. Et même finito la détection automatique des messages d’intimidation et de harcèlement, déjà estimée par Facebook (!) à un très faible score de 16% (contre 99,5% des contenus liés au terrorisme et 98,5% des faux comptes). Vous avez dit « boulevard pour le cyber-harcèlement » ?
3. Rendre de la visibilité organique aux pages
Il y aura bientôt deux ans, Mark Zuckerberg a annoncé la chute, du jour au lendemain, de la portée naturelle des publications de pages. C’était tout profit pour les statuts des profils et des groupes… et pour l’offre commerciale de Facebook, les entreprises étant ainsi amenées à davantage sortir le portefeuille pour maintenir la visibilité de leurs statuts à grands coups de pubs (re)ciblées.
La stratégie a fonctionné : tous les trimestres, la croissance des résultats publiés par Facebook donne le tournis. Mais le vent pourrait tourner... Aujourd’hui, d’après les dernières statistiques du marché, la portée organique moyenne des publications des pages se situe à peine au-dessus des 5%, alors que le taux d’ouverture moyen des newsletters, ringardes hier encore, dépasse toujours les 20%.
Pour éviter que les entreprises n’investissent davantage dans leurs propres actifs (site internet, bases de données) ou ne se diversifient, Facebook devrait relever le poids des pages dans l’algorithme qui définit les fils d’actualité. En commençant par les pages des médias les plus sérieux, capables d’informer correctement, donc de limiter la propagation des fakes news, beaucoup plus « engageantes » et donc virales aujourd’hui. Tout le monde y gagnerait.
4. Tout mettre en place pour éviter d’influencer les présidentielles US
À propos de fake news, 2020 étant une année électorale aux USA, il serait de bon ton, pour l’image très écornée de Facebook, et plus encore pour la démocratie, que toutes les combinaisons de type Trump / Cambridge Analytica ne puissent pas (ou plus) ouvrir le coffre-fort des urnes américaines. Un hold up présidentiel, ça suffit ! On peut rêver... Mais du haut de ses 52 milliards de dollars en trésorerie, Facebook a au moins une obligation de moyens !
5. Faciliter la portabilité des données
Facebook est, avant tout, une régie publicitaire. Il tire sa puissance des montagnes de données personnelles que nous lui offrons, pour les proposer, de manière « anonymisée », aux annonceurs... qui nous ciblent et nous reciblent.
Pour regagner notre confiance, Facebook devrait nous permettre de nous réapproprier nos données personnelles. Et si ce n’est pas le cas, les régulateurs (européens en tête, en prolongement de la GDPR) doivent impérativement l’y contraindre.
Au passage, cette « portabilité » des données devrait doper la concurrence et l’innovation, les start-ups peinant actuellement à construire des alternatives à haut potentiel alors que Facebook peine à innover… sans plagier ou racheter la concurrence.
Xavier Degraux
Cette chronique a d'abord été publiée sur le site du journal La Libre.