
La prise de parole des collaborateurs chute sur LinkedIn. L’étude Havas révèle un basculement vers une nouvelle ère : la Champions Advocacy.
L’employee advocacy sur LinkedIn est en train de vivre un tournant. Pendant des années, les entreprises ont rêvé d’une armée d’employés ambassadeurs relayant docilement le moindre post corporate.
La dernière étude d’Havas Worldwide Paris sur les entreprises du SBF120 (relayée par le site lareclame.fr) montre que ce modèle arrive à bout de souffle.
En un an, la part de voix des collaborateurs a chuté de 27,5 % à 13,5 %. Une baisse de 14 points qui interroge : lassitude passagère ou mutation profonde de la façon dont les salariés prennent la parole en ligne ?

Une chute brutale de la prise de parole des collaborateurs
Autrement dit: les collaborateurs s’expriment beaucoup moins sur LinkedIn au sujet de leur employeur, et ce, quel que soit le secteur.

Dans le même temps, les autres voix progressent:
- les pages d’entreprise gagnent 6,8 points
- les profils externes (candidats, consultants, médias, partenaires…) augmentent de 5,1 points
Proportionnellement, la part de voix des collaborateurs se contracte fortement. Et ce n’est pas seulement un effet mécanique lié à la hausse du corporate et de l’externe.
Le recul vient avant tout d’un segment précis : les collaborateurs sans responsabilité managériale. Leurs mentions ne représentent plus que 31,1 % des mentions internes, soit une baisse de 23,2 points par rapport à 2024. Ce sont eux qui ont, en quelque sorte, décroché.
Employee advocacy: la fin du rêve « tout le monde ambassadeur »
Pendant longtemps, l’employee advocacy a été pensée comme un grand programme d’activation de masse : plus il y a de collaborateurs qui publient, mieux c’est.
Dans la réalité, ce modèle a souvent produit:
- des contenus identiques, copiés collés depuis des kits fournis par la communication
- des profils transformés en panneaux publicitaires, sans valeur éditoriale propre
- une fatigue, voire une gêne, chez les salariés sommés de « prendre la parole » sans y trouver un vrai bénéfice
- une lassitude des audiences exposées à des messages répétitifs et très formatés
Les outils d’employee advocacy qui alimentent en contenus des profils « perroquets » ont pu amplifier ce phénomène. À force de pousser des publications calibrées, on a parfois oublié une évidence : sur LinkedIn, les gens viennent pour des points de vue, pas pour des copier coller.
L’expression ne disparaît pas, elle se concentre sur les champions
La bonne nouvelle, c’est que l’expression interne ne s’éteint pas. Elle se recompose.
L’étude Havas montre en effet une montée en puissance nette des :
- profils de Top Management, à 10% (+4,7 points)
- managers intermédiaires à 28,3% et managers de proximité à 14,2% (+13,1 points)
- étudiants et apprentis, qui signent 9% des mentions internes

Surtout, les prises de parole de ces profils « champions » sont nettement plus performantes que les contenus corporate. Leur engagement moyen est supérieur de 42 % à celui des posts des pages entreprises
Leur voix est perçue comme:
- plus crédible, parce qu’elle vient du terrain
- plus incarnée, parce qu’elle raconte une expérience vécue
- plus alignée avec les attentes des audiences, qui cherchent désormais des regards experts plutôt que des slogans
Autrement dit, ce ne sont plus les programmes d’employee advocacy de masse qui structurent la réputation des entreprises sur LinkedIn, mais une minorité de collaborateurs influents.
De l’employee advocacy à la Champions Advocacy
Havas propose un nouveau cadre pour comprendre cette évolution : la « Champions Advocacy ».
Derrière ce concept, une idée simple : dans chaque entreprise, quelques dizaines, centaines, voire milliers de collaborateurs ont un potentiel d’influence supérieur à la moyenne. Ce sont :
- des managers reconnus
- des experts métiers légitimes dans leur domaine
- des leaders naturels, déjà actifs sur LinkedIn
Ces profils deviennent les vrais relais réputationnels de l’organisation. Leur rôle dépasse largement le simple partage de contenus corporate. Ils construisent une ligne éditoriale, une audience, une crédibilité.
La Champions Advocacy ne consiste pas à abandonner les autres collaborateurs, mais à accepter que tous les employés ne seront pas ambassadeurs, mais que certains peuvent devenir des voix qui comptent vraiment.
Pourquoi ce basculement est plutôt une bonne nouvelle
Vu de loin, la chute de la part de voix des collaborateurs pourrait inquiéter les directions communication ou RH.
En réalité, ce mouvement peut être très positif pour la marque employeur, à plusieurs conditions.
- Moins de bruit, plus de valeur
Les flux LinkedIn se nettoient des posts copiés collés et laissent davantage de place à des prises de parole expertes, argumentées, utiles. - Un alignement plus fort avec les usages de la plateforme
LinkedIn a toujours privilégié les profils individuels par rapport aux pages. Miser sur les champions va dans le sens de l’algorithme et des attentes des utilisateurs. - Une meilleure crédibilité du discours employeur
Quand un manager, un expert technique ou un leader reconnu prend la parole, son message a davantage de poids qu’un visuel corporate parfaitement brandé. - Une opportunité de repositionner l’employee advocacy
Ce contexte est idéal pour sortir d’une logique « d’activation » et entrer dans une logique « d’accompagnement », centrée sur le développement des talents visibles.

Un double défi pour les entreprises : champions et « silencieux »
Ce basculement vers la Champions Advocacy pose cependant deux questions stratégiques.
1. Comment accompagner les champions sans créer un système à deux vitesses ?
Les champions sont de plus en plus sollicités : par les RH, la communication, les équipes business. Ils deviennent des figures internes, parfois exposées.
Les entreprises doivent donc:
- définir un cadre clair: ce que l’on attend d’eux et ce que l’on ne leur demandera pas
- offrir un accompagnement sur mesure: formation éditoriale, personal branding, prise de parole sensible
- reconnaître leur contribution: temps dédié, valorisation dans les objectifs, visibilité interne
L’enjeu est d’éviter que ces profils deviennent des « soldats » de la com, au risque de perdre ce qui fait leur force : la sincérité et l’autonomie éditoriale.
2. Comment réengager le cœur des collaborateurs qui ne s’expriment plus ?
La majorité silencieuse ne doit pas être considérée comme « perdue » pour la cause. Elle a simplement besoin d’un autre contrat d’expression.
Quelques pistes:
- passer de l’injonction à la proposition : pas « vous devez publier », mais « voici comment votre expertise peut être utile »
- relier la prise de parole à des bénéfices individuels : visibilité, carrière, réseau, crédibilité métier
- proposer des formats plus accessibles : témoignages courts, participation à des contenus collectifs, prises de parole internes avant externes
- rassurer sur le cadre : clarifier ce qui est encouragé, ce qui est sensible, ce qui est hors limite
Le but n’est pas que tout le monde poste toutes les semaines, mais que chacun se sente légitime à contribuer, à son rythme et à sa manière.
Vers une nouvelle génération de programmes d’employee advocacy
La conclusion de cette étude Havas est claire : ce n’est pas l’employee advocacy qui est en train de mourir, mais sa version industrielle et standardisée.
La prochaine génération de programmes devra être :
- plus ciblée: identification fine des champions, des communautés, des sujets clés
- plus qualitative: accompagnement éditorial, storylining, prise de parole incarnée
- plus bénéfique pour les individus : développement de l’expertise et de la visibilité personnelle
- plus connectée au business : influence sur le recrutement, la confiance, la vente complexe, la réputation globale
C’est un changement de paradigme: on ne « déploie » plus un outil d’advocacy, on construit un écosystème de voix crédibles.
Et maintenant ?
Si vous faites partie d’une direction communication, RH ou d’une équipe leadership, cette étude est un bon point de départ pour:
- auditer vos prises de parole internes sur LinkedIn
- identifier vos champions actuels et potentiels
- repenser vos programmes d’employee advocacy à la lumière de ces nouvelles dynamiques
C’est précisément sur ces sujets que je travaille au quotidien: diagnostic, stratégie, accompagnement éditorial et coaching de champions.
N’hésitez donc pas à me contacter pour en discuter…
Xavier Degraux, Consultant et formateur en marketing digital et réseaux sociaux (LinkedIn en tête), augmenté par l’IA et les data

