
En Europe, les signalements à LinkedIn ont progressé de +21 % en un an, dominés par la désinformation. Mais moins de 4 % des rapports ont abouti à une suppression, et l’UE compte moins de modérateurs qu’en 2024.
En un an, le nombre de plaintes adressées par les utilisateurs/trices de LinkedIn en Europe à propos de contenus organiques (non payants) a progressé de 20,9 %.
Sur combien de publications diffusées dans le fil d’actualité ? Je l’ignore. Et pour quelle portée totale ? Je l’ignore également, la filiale de Microsoft étant particulièrement opaque sur ses performances.
Mais dans le même temps, je constate que le nombre de membres réellement actifs/ves — des utilisateurs mensuels actifs/ves (MAU) — a progressé d’à peine 5,4 % pour atteindre 54,7 millions, dont 12,2 millions en France et 1,9 million en Belgique.
J’ai calculé ces progressions en me basant sur les déclarations de transparence transmises par LinkedIn à l’Europe dans le cadre du Digital Services Act (DSA).
Le DSA est un règlement européen en vigueur depuis le 25 août 2023. Il vise à rendre l’environnement en ligne plus sûr et plus équitable pour les utilisateurs, et les plateformes plus transparentes.
Plus d’un million de signalements en 6 mois

Au total, 1 081 094 signalements concernant les contenus publiés sur LinkedIn ont été comptabilisés au 1er semestre 2025, contre 894 433 entre le 1er janvier et le 30 juin 2024.
Pour être tout à fait précis, le périmètre n’est pas identique : LinkedIn a ajouté deux nouvelles catégories de signalement — « Violation de mes droits RGPD » (68 signalements au 1er semestre 2025) et « Autres » (161 cas).
Classement des catégories de signalement en Europe
Parmi tous ces signalements, c’est la catégorie « Compte piraté » qui a enregistré la plus forte croissance au cours des douze derniers mois, avec un quasi-doublement (+99,7 %), devant l’exploitation d’enfants (+48,5 %) et l’automutilation (+36 %).
Les « atteintes au droit (ex. contrefaçon, violation de droits d’auteur ou de marque) ou la diffamation » forment la seule catégorie de signalements en recul dans les publications organiques (−40,1 %).
En chiffres absolus, c’est la désinformation qui occupe toujours — et de loin — la première place de ce malheureux classement (23,9 % des signalements), devant les contenus haineux (15,7 %) et le spam (14,8 %).
L’an dernier, le podium était quasiment identique, mais la troisième place était occupée par les signalements de faux comptes, aujourd’hui tout juste passés en 4e position (14,7 % du total)… sur la plateforme qui se présente comme un « service à identité réelle ».
LinkedIn agit dans moins de 4 % des cas signalés
D’après mes calculs, LinkedIn a supprimé le contenu qui enfreignait ses règles dans 3,6 % des rapports. La plateforme a limité la visibilité du contenu dans 0,03 % des signalements et a appliqué un avertissement de « contenu sensible » avec limitation de visibilité dans 0,2 % des cas.
Par rapport au premier semestre 2024, c’est clairement une forme d’assouplissement, puisque 4,7 % des contenus signalés étaient alors supprimés, 0,03 % limités dans leur visibilité et 0,4 % avertis et limités.
Petit point méthodo. Les pourcentages ci-dessus sont calculés par rapport aux rapports reçus. Un même contenu peut générer plusieurs rapports. Si l’on raisonne en base « contenus sous-jacents », le taux de retrait atteint 4,6 % au 1er semestre 2025 (contre 6,0 % un an plus tôt).
Offres d’emploi et publicités dénoncées
En plus des 1 081 094 signalements concernant les contenus organiques reçus par LinkedIn au premier semestre 2025, sa déclaration de transparence permet également de se faire une idée des signalements portant sur les offres d’emploi et sur les publicités.

Si le nombre de plaintes portant sur les offres d’emploi a chuté de 10 % en un an, à 81 202 unités (dont 27,7 % pour scam, phishing ou malware), celui des publicités a gonflé de 22,6 %, avec 90 594 signalements.


Mais attention aux interprétations hâtives : LinkedIn ne communique pas le nombre total d’offres d’emploi ni de publicités sur sa plateforme — et encore moins leurs portées.
Tout juste sait-on, d’après l’outil de transparence publicitaire LinkedIn (consulté le 7 septembre 2025), que 9 558 642 publicités ont été diffusées (au moins partiellement) en Europe au 1er semestre 2025. Sans point de comparaison, les données étant limitées à une année, comme l’y autorise le DSA.
Au total, 20,4 % des offres d’emploi signalées et 1,9 % des publicités ont été supprimées — contre, respectivement, 13,9 % et 2,0 % entre janvier et juin 2024.
41,7 % des signalements traités automatiquement
Face à tous ces signalements, LinkedIn applique une approche à trois niveaux :
- Prévention automatisée et proactive (machine learning) lorsqu’un·e membre tente de créer un contenu, une offre d’emploi ou une publicité ;
- Détection mêlant automatisation et intervention humaine pour repérer les contenus susceptibles d’enfreindre les règles ;
- Détection menée par les utilisateurs/trices, via les fonctionnalités de signalement intégrées à la plateforme, menant à un traitement par l’équipe de modération et/ou par le système automatisé.
Au premier semestre 2025, toutes raisons confondues, 522 517 signalements ont été traités par le seul système automatisé de LinkedIn, soit 41,7 % du grand total, contre 45,5 % au cours de la même période en 2024.
Le reste a été traité (au moins partiellement) par des êtres humains, dans un temps médian passé de 12 à 21 minutes en un an. Autrement dit, la moitié des signalements traités par des modérateurs humains ont reçu une décision en ≤ 21 minutes au S1 2025 (contre ≤ 12 min au S1 2024).
Moins de modérateurs en Europe…
Fin juin dernier, LinkedIn comptait 1 757 modérateurs/trices au niveau mondial (+16,4 % sur un an), dont 180 en Europe (−5,3 %).


Si LinkedIn prend en charge 15 des 24 langues officielles de l’UE et que la revue se fait dans un outil interne doté d’une traduction intégrée, la couverture linguistique de ces modérateurs/trices reste toutefois très asymétrique.
Seules quelques dizaines d’entre eux couvrent les grandes langues de travail — français, espagnol, portugais, allemand, italien, polonais, néerlandais — tandis que plusieurs langues de l’UE n’ont aucun modérateur déclaré (bulgare, tchèque, danois, estonien, grec, hongrois, irlandais, letton, maltais, roumain, slovaque, slovène, suédois).
En l’absence de compétence suffisante, LinkedIn dit s’appuyer d’abord sur la traduction automatique, puis, si nécessaire, sur des services de traduction après consultation d’un.e « team lead ».
…Et toujours pas de signaleur de confiance
Sans aucune surprise pour celles et ceux qui me lisent régulièrement, signalons enfin qu’aucun « trusted flagger » n’a transmis de rapport à LinkedIn au S1 2024, ni au S1 2025.
Pour rappel, au titre du DSA, ces « signaleurs de confiance » (ONG, autorités, associations pro…) sont des entités désignées par les Coordinateurs nationaux des services numériques (DSC) dont les notifications de contenus potentiellement illégaux doivent être traitées en priorité.
Sauf que ce système, pourtant au coeur du DSA, peine à se mettre en place, y compris en Belgique…
Xavier Degraux, Consultant et formateur en marketing digital et réseaux sociaux (LinkedIn en tête), augmenté par l’IA et les data