L’équation de l’attention : ce que la pub digitale oublie (encore)

Une étude de McKinsey met les pieds dans le plat : nous, pros du marketing digital, ne mesurons pas la bonne chose. Et si la clé était dans la qualité de l’attention, pas dans le volume d’impressions ? Explications.

L’étude de McKinsey, titrée « The attention equation », démarre par un constat lucide : nous vivons dans un monde où l’offre média est quasi infinie, mais le temps disponible des consommateurs reste plafonné. En moyenne : 13 heures de médias par jour. Oui, mais multitâche, fragmenté, bruité.

Conséquence : les modèles de monétisation stagnent, sauf pour quelques happy few comme le sport live ou le gaming. Pourquoi ? Parce que ces formats captent une attention rare, intense et volontaire. Ce que McKinsey appelle le « focus » et « l’intention ».

Focus × Intention = Attention rentable

L’équation est simple, mais elle mérite d’être dépliée. Le focus, c’est l’engagement actif. Est-ce que je regarde vraiment, ou est-ce que la vidéo tourne pendant que je fais la vaisselle ? L’intention, c’est le « job to be done » : est-ce que je consomme ce contenu pour apprendre, me divertir, socialiser, ou juste meubler ?

Quand les deux sont à leur maximum, l’attention publicitaire est monétisable. McKinsey estime que ces deux variables expliquent un tiers de la variabilité des revenus dans les médias (les deux autres tiers dépendent de facteurs commerciaux comme le revenu ou la techno).

Toutes les plateformes ne se valent pas

Voici quelques chiffres qui piquent :

  • Événement sportif live : 33 $/heure
  • Parc d’attraction : 25 $
  • Jeu PC/console : 7 $
  • Streaming vidéo : 0,25 $
  • Podcasts : 0,05 $
  • Musique digitale : 0,12 $

Autrement dit, les contenus qu’on consomme en mode passif rapportent peu. Et les plateformes qui suscitent peu de focus ou d’intention n’ont qu’une valeur médiocre, même à grande échelle.

Segmenter par attention, pas par démo

Là où McKinsey est le plus intéressant, c’est dans l’identification de segments consommateurs à forte attention.

Trois groupes sortent du lot :

  • Les Content Lovers : omnivores, passionnés, dépensiers. 13 % de la population, mais 2,4 × plus de dépenses.
  • Les Interactivity Enthusiasts : fans de gaming, de sports et de contenus immersifs. Moins sensibles à la pub classique.
  • Les Community Trendsetters : influenceurs organiques, à la fois prescripteurs et shoppers.

Ces groupes ne consomment pas plus, ils consomment mieux. Et surtout, ils transforment mieux.

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Et donc, on fait quoi ?

Pour les marketers, cette étude est un appel à la lucidité.

Voici quelques pistes concrètes :

  • Arrêtons de surpayer l’attention passive. Un format à fort CPM n’est pas nécessairement un bon investissement si le focus est faible.
  • Adaptons nos messages au job to be done. Un contenu consommé « pour se relaxer » n’appelle pas le même discours qu’un contenu consommé « pour apprendre ».
  • Ciblons les segments à fort quotient d’attention. Ils sont rares, mais précieux.
  • Explorons les poches d’attention sous-exploitées. Gaming, livres audio, même newsletters qualitatives peuvent surprendre par leur rendement attentionnel.

Et les réseaux sociaux dans tout ça ?

On pourrait penser que les réseaux sociaux sortent du lot grâce à leur volume d’audience. C’est vrai qu’ils captent une part énorme du temps passé. Mais l’étude de McKinsey est claire : le focus y est souvent faible, et l’intention rarement maîtrisée. Scroller entre deux stations de métro, ce n’est pas la même chose que binge-watcher une série documentaire sur Netflix ou jouer une partie immersive sur console. Résultat : beaucoup de formats publicitaires sociaux – surtout en pré-roll ou display – s’appuient sur une attention passive. Ce qui explique leur rendement publicitaire décroissant dans certains secteurs.

Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner LinkedIn, Meta ou TikTok. Mais il faut y adapter sa stratégie. Sur les réseaux, la clé n’est pas d’acheter de l’attention brute, mais de générer de l’attention choisie. Par le ton, par la valeur du contenu, par le ciblage fin de segments à forte propension d’engagement. Les marques qui réussissent sur les réseaux sont celles qui comprennent que l’économie de l’attention est d’abord une économie du contexte.

Ce que je retiens, en tant que formateur (et utilisateur)

Cette étude confirme une intuition que j’ai depuis longtemps : la quantité de contenu ne fait pas la qualité de l’engagement. On ne peut plus raisonner en médias comme on le faisait en 2012. Il faut revoir nos grilles de lecture, nos KPIs, nos arbitrages budgétaires.

La bonne nouvelle, c’est que cette transformation est déjà en cours. Et que les CMO les plus avisés sauront tirer leur épingle du jeu. En misant sur moins d’exposition, plus d’attention.

Xavier Degraux, Consultant et formateur en marketing digital et réseaux sociaux, augmenté par l’IA

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